L'île d'Arturo, Elsa Morante
C’est le roman de Procida, que je m’étais juré d’emporter le jour où je visiterais l’île. Voici dix ans qu’on me l’a offert. J’ai séjourné sur l’île cet été. Procida a bien changé depuis l’époque d’Arturo. C’était voici moins d’un siècle, peu avant une première guerre mondiale qui clôt le roman et fait retomber Procida dans l’Histoire. Car l’île du roman est drapée dans une éternité propre aux pays archaïques, où les gens vivent pieds nus et sans électricité alors qu’ils ne se trouvent qu’à trente minutes en bateau de Naples.
C’est un magnifique livre d’été, le mythe d’un petit garçon qui devient un homme, avec ses plaisirs faciles de romans de grand air et d’appel de vie, de soleil infini, mais aussi de révélations crues : la lâcheté d’un père, le désamour des femmes, la bestialité du sexe. Il dépeint la solitude enchantée d’un gamin livré à lui-même, sur une île hors de l’univers.
J’ai lu ce roman avec grand appétit, malgré quelques poussées de sentimentalisme et des montées d’émotion un peu trop soulignées. L’île d’Arturo restitue la joie immensément solaire des après-midis d’enfance où tout semble possible. Il est plein d’une joie d’être au monde qu’on retrouve en se promenant entre les maisons colorées de Procida, aux murs arrondis et polis, presque troglodytes, sous le cagnard de quinze heures et sur le pavage de pierres noires qui vous chauffent les pieds à travers les semelles, juste avant plonger dans l’eau bleue.