Fin août 1572 en France. Les catholiques massacrent les huguenots. C’est le temps de la proverbiale nuit de la Saint-Barthélémy à Paris. Mais il n’y a pas seulement Paris et pas seulement cette nuit-là. Jérémie Foa y revient avec acharnement et ténacité dans un livre au ras du sol, au ras des gens, dans la lignée de la micro-histoire de Ginzburg. Il s’inscrit au plus proche des états d’âme des oubliés d’un massacre qui s’inscrit en lettre de sang dans l’histoire de France. On tue par fanatisme, les enfants comme les vieillards, partout dans le pays, on tue par intérêt, pour récupérer un héritage, la maison du voisin, se débarrasser d’une épouse ou d’un mari encombrant. Les assassins deviennent des notables, adoubés par Henri III, qui meurent dans la paix douillette de leur lit. Il faut saluer le style, l’extrême rigueur et la passion avec lesquels travaille Jérémie Foa, qui refait entendre les cris des massacrés et des assassins, ainsi qu’un fondamental besoin de justice face à la brutalité avec laquelle certaines victimes furent suppliciées puis oubliées.
Le sabbat des sorcières de Carlo Ginzburg est une immersion dans les traditions chamaniques et sacrées de notre civilisation, influencées par les Celtes, les Lapons, les peuples des steppes d’Asie centrale, les Grecs, et j’en passe. Ginzburg est un historien dont j’apprécie beaucoup le travail, notamment son ouvrage Les batailles nocturnes.
Étudiant la sorcellerie et les superstitions, il ravive les existences minuscules d’hommes et de femmes censés ne pas avoir d’histoire. Des petites gens attachés aux transes, à la divination et aux périples mystiques, dont les obsessions sur la mort et le futur restent les nôtres. En lisant Ginzburg, je crois secrètement rechercher une réponse à la question honteuse et archaïque de savoir si la magie existe ou pas. Je cherche encore. L’interrogation est tenace.