C’est la première fois que je lis Magris. Honte à moi, je sais. Son livre est un périple dans les pliures des frontières issues de l’Europe des canonnières, entre Croatie, Tyrol, et les endroits morts d’une Trieste qui n’en finit d’oublier qu’elle fut une brillant nulle part, entre Autriche-Hongrie et Italie, entre Mitteleuropa et Méditerranée, entre Slaves, Germains et Latins. Aujourd’hui, une ville provinciale que je connais un peu, qui soupire après son passé brillant et déglingué, notamment les deux génies qu’elle a couvés : Joyce l’arsouilleur et Svevo, le bourgeois neurasthénique.
Magris parle brillamment, de tout et de rien, de toutes les nécessaires futilités qui font une vie : fidélité à un drapeau, idiomes éventés, souvenirs incompréhensibles, amourettes en genèse. Mais ce qui m’a le plus touché, c’est sa description de Svevo, de son essence d’écrivain, quand il évoque sa statue décapitée dans le Jardin Public de Trieste :
Le sabbat des sorcières de Carlo Ginzburg est une immersion dans les traditions chamaniques et sacrées de notre civilisation, influencées par les Celtes, les Lapons, les peuples des steppes d’Asie centrale, les Grecs, et j’en passe. Ginzburg est un historien dont j’apprécie beaucoup le travail, notamment son ouvrage Les batailles nocturnes.
Étudiant la sorcellerie et les superstitions, il ravive les existences minuscules d’hommes et de femmes censés ne pas avoir d’histoire. Des petites gens attachés aux transes, à la divination et aux périples mystiques, dont les obsessions sur la mort et le futur restent les nôtres. En lisant Ginzburg, je crois secrètement rechercher une réponse à la question honteuse et archaïque de savoir si la magie existe ou pas. Je cherche encore. L’interrogation est tenace.